19/03/2018

Equinoxe de Mars : le glas de la tartiflette


Je ne me suis pas trompé de titre, non. Il s'agit bien du "glas" et non du "gras" de la tartiflette ici. Pourquoi? Eh bien! Parce que, ce Mardi 20/03/2018 (à 17h15, si je ne m'abuse), le moment sera venu de l'Equinoxe de Mars. Vous allez me dire : mais qu'est-ce que ça change? La réponse est simple : l'hiver s'en va, ça y est! L'équinoxe est le moment précis durant lequel le soleil se trouve au zénith, par rapport à l'équateur terrestre. Durant cette période, le jour et la nuit ont la même durée. Avec ça, vous avez de quoi briller en société, normalement.

L'hiver bat donc son plein, les fondues savoyardes (et toutes les autres spécialités "légères" du genre, dont la fameuse tartiflette) vont disparaître petit à petit de nos tables familiales. Au profit des légumes de Printemps, des festivités chocolatées de Pâques, des régimes préparatoires aux expositions dénudées estivales... Bref! C'est vraiment le tout dernier créneau pour la TARTIFLETTE ULTIME! En tant qu'Haut-Savoyard, il est de mon devoir de préparer le retour de la verdure en emmagasinant... Un maximum de "souvenirs" réconfortants d'hiver! Au niveau de l'estomac, de préférence! Voyons donc ce dont nous avons besoin, pour bien boire et bien manger (je ne parle évidemment pas d'équilibre et d'assainissement alimentaire ici), une dernière fois dans l'année, en mode "il me faut ma dose de gras".

Note : désolé pour le chauvinisme extrême dont je peux faire preuve, parfois. C'est le cœur qui s'exprime, voilà tout.

Alors, que faire pour assurer le coup concrètement? Il faut bien penser que la tartiflette ne fera pas son retour avant au moins 6 mois... Autant vous dire qu'on va bien la charger, celle-là! Tout d'abord, au cas où vous l'ignoriez, nous allons avoir besoin de pommes de terre. Oui, des patates, beaucoup de patates. Environ 2kg pour 4 personnes (je vous conseille la variété Française nommée la Charlotte, mais d'autres peuvent convenir bien entendu). Certains préconisent de couper les patates en rondelles, personnellement je vous dirais plutôt qu'on s'en fiche complètement. Morceaux, carrés, rondelles, on s'en fout! Tant que ça se mélange assez bien avec les autres ingrédients, et que votre cuisson est maîtrisée.

Les autres ingrédients, justement, sont les suivants (dans le désordre, pour le moment) : 2 Reblochons (fermiers, évidemment! Et pas d'arnaque avec je ne sais quelle autre contrefaçon, s'il vous plait!), 4 oignons (jaunes c'est mieux, mais peut se faire avec d'autres variétés aussi), 30cl de crème entière (j'ai jamais dit que j'allais vous aider à mincir, de toutes façons), 500g de lardons (des non fumés suffisent, mais c'est selon les goûts, sachant que les fumés sont inévitablement plus salés), et c'est tout! Pas besoin de vin, vous allez déjà en boire à côté. Vous ne pensiez pas vous en sortir comme ça, tout de même? Notez que cette version de la tartiflette est la mienne, je n'ai jamais lu de recettes sérieuses sur le sujet, car j'ai ça de le sang tout bonnement (made in 74, eh ouais!).

En gros, vous mettez vos pommes de terre cuites (à l'eau ou à la vapeur, selon ce que vous maîtrisez le mieux) et coupées (épluchées, évidemment) dans un grand plat, puis vous rajoutez lardons et oignons en surcouche. Par-dessus ce joli petit monde, vous placez vos Reblochons (vous pouvez aussi les couper, dans l'optique de mieux les répartir), et arrosez généreusement (toujours) de crème (oui, avec les yeux ronds et la bave sur les lèvres). Il faut qu'il y ait de la crème partout! Sinon, vous risquez d'être en manque de graisse à la mi-Juin, et ce sera le drame, vous imaginez bien... Pour finir, vous enfournez à 200°C pendant une bonne demie-heure.

Pendant que votre tartiflette ultime cuit tranquillement, allez sélectionner vos boissons idéales dans votre petite cave adorée. Voyons ensemble ce que vous pouvez servir avec ce plat léger et subtil.


1. L'accord traditionnel : la Jacquère Savoyarde

Les vins blancs de Jacquère ne jouissent pas d'une réputation extraordinaire, et pourtant de jolis crus sont à dénicher dans tout ce qui existe. Un exemple? La cuvée "Habanera", de Julie Portaz (Domaine de l’Épervière), en appellation Abymes (environ 10€ à l'achat dans les commerces spécialisés). Travaillée avec une maturité certaine, je vous préviens : cette Jacquère est fine, très fine. Sa trame, toute en subtilité, lui donne une élégance rare, saupoudrée d'une légère fraîcheur, parfaite à accorder sur le fromage fondu en l’occurrence. Cet accord est un jeu de contraste efficace : l'acidité maîtrisée du vin contrebalance le gras, l'opulence de la tartiflette.

Autre référence notable : l'Apremont "Anno Domini" du Domaine Blard (agriculture raisonnée), plus franc et structuré que l'Abymes de Julie Portaz.



2. L'alternative confidentielle : le Chasselas du Chablais

Cépage mieux connu en Suisse qu'en France, sous l'appellation du Fendant (du Valais) notamment, le Chasselas a une identité moins végétale que la Jacquère. D'ailleurs, il est implanté surtout sur les coteaux du Lac Léman (en France, on évite le nom de "Lac de Genève", n'en déplaise à certains...), soit dans la sous-région Haut-Savoyarde du Chablais (le secteur de Thonon et Evian, pour faire simple). La Jacquère, elle, trouve son terroir de prédilection plus au Sud, en Savoie. Bref, s'il vous faut goûter un seul Chasselas dans votre vie, ce sera l'IGP Allobroges "Un matin face au lac", de Dominique Lucas (Les Vignes du Paradis, domaine en biodynamie). L'équilibre de cette cuvée (environ 20€ à l'achat dans les commerces spécialisés) est difficilement comparable dans la région. Les notes délicates de fruits blancs (pomme, poire notamment) sont soutenues par une belle texture fluide et agréable. A nouveau un jeu de contraste, plutôt, qui apporte un peu de finesse à un met relativement rustique.

Autre référence notable : le Crépy "Cuvée des Fondateurs", de la Grande Cave de Crépy Mercier. Un vin plus acidulé, mais tout aussi intéressant dans la recherche de l'identité souvent timide du Chasselas.




3. L'accord polémique : la Mondeuse, alias la "Petite Syrah"

Le cépage Mondeuse est le roi des rouges de Savoie, incontestablement. Liée génétiquement à la Syrah Rhodanienne, la Mondeuse dispose de propriétés gustatives proches de sa cousine plus méridionale. Si, de préférence, mes conseils d'accords avec les plats lourds (tels que les fondues, raclettes et tartiflettes) s'orientent sur les vins blancs (par soucis d'harmonie globale), il est toutefois possible de choisir un rouge malgré cette indication. Mais pas n'importe lequel, attention! La Mondeuse est notamment travaillée différemment selon les localités, selon les domaines viticoles aussi, d'ailleurs. Alors, si cette découverte vous intéresse, le vin du Bugey "Mondeuse Cuvée Terroir", du Caveau Bugiste (groupement de vignerons indépendants), sera parfait. Il s'agit d'un rouge travaillé en légèreté (environ 9€ à l'achat dans les commerces spécialisés), donc peu de tanins et de vigueur, mais un fruit noir (cerise bien mûre pour moi) et un poivré tout à fait typiques du cépage. En optant pour un vin de ce style, soit assez souple finalement, on évite le rapport de force qui pourrait subvenir entre les sels du fromage et les tanins (de certains rouges plus puissants, par exemple), au profit d'un équilibre plus gouleyant et digeste.

Autre référence notable : pour ceux qui disposent d'un budget plus élevé (autour des 20€), la Mondeuse d'Arbin "La Rouge" de Louis Magnin (domaine en biodynamie) constitue un excellent choix. Un brin plus concentrée, cette Mondeuse demeure un grand classique d'élégance.




4. L'improbable et surprenant : le Cidre Normand

Ah! Voilà de quoi vous surprendre! Eh oui! Il n'y a pas que le vin de Savoie pour accompagner les plats locaux. D'ailleurs, j'aurais très bien pu parler des petits blancs de Bourgogne, ou de Loire même. Mais non, je vais encore plus loin chers gourmets, expressément pour vous. Testez donc le "Sidre Brut" d'Eric Bordelet (verger bio). Ce cidre Normand (environ 7€ à l'achat en grande surface) est travaillé en profondeur. Le croquant de la pomme est complété d'une persistance légèrement amère, tandis que la bulle fine apporte un léger piquant rafraîchissant. Bref, ce breuvage sec "lavera" la tartiflette de sa lourdeur, tout en apportant sa petite touche fruitée. Un accord très intéressant donc, bien qu'inattendu.

Autre référence notable : le Poiré "Authentique", d'Eric Bordelet. Version demi-sec d'un "cidre" de poire bien réalisé, plus accessible à la dégustation car légèrement plus doux. Les notes de poire sont certes plus discrètes que celles de la pomme, mais cela constitue un accord tout aussi valable.



Note : si vous souhaitez prendre connaissance de lieux précis (sur le 74) où trouver les cuvées citées précédemment, merci de me contacter directement par mail sur francgourmet74@gmail.com .

Et voilà les gourmets! Avec tout ça vous avez de quoi fêter dignement la fin de l'hiver. Et si vous avez vos habitudes chez un caviste commerçant, n'hésitez pas à lui demander s'il possède des références équivalentes à celles présentées ci-dessus. Le monde des accords mets et vins vous ouvre grand les bras, mais avant : dégustez sans attendre votre dernière tartiflette de la saison!

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