25/03/2018

Pâques : les cloches arrivent (le chocolat aussi)


Commençons par être clair, d'entrée. Quand je dis "les cloches arrivent", je parle évidemment de la tradition chrétienne, et non de ma/votre belle-famille (chez vous aussi elle débarque, non?). Loin de moi l'idée de contribuer à l'animosité entre certaines personnes, surtout lors d'un jour saint! Pour rappel, Pâques fête la résurrection du Christ, alors un peu de respect, s'il vous plaît. Personnellement, mon penchant athée ("penchant" car tout de même baptisé, contre mon gré je tiens à le dire, à un âge où je ne savais pas encore dire "non", comme beaucoup me direz-vous) m'amène à considérer cette fête essentiellement comme un moment clef pour m'empiffrer de chocolat. Pas très chrétien ça, c'est sûr!

Pâques c'est donc une bonne raison (approuvée par le seigneur tout-puissant, merci Dieu, au fait) de se faire du bien, en somme. Bien entendu, toutes ces petites moqueries (blasphématoires à souhait) sont à prendre au centième degré. Je n'ai rien contre les religions, sauf quand elles commencent à empiéter sur ma propre liberté d'action et de penser (comment ça, "c'est le principe même des religions d'imposer un mode de vie et un raisonnement particulier"? Hmm... Me serais-je donc fourvoyé? Sans doute!). Bref, peu importe, écartons-nous de ce sujet épineux, qui m'attirera probablement déjà là les foudres des plus fanatiques internautes en activité sur la "toile" (pardon pour l'expression des années 2000, mais je l'aime bien, à vrai dire).

Vous l'aurez compris, je vais vous parler aujourd'hui de chocolat, de bon chocolat. J'aurais pu m'attarder sur un menu pascal complet, mais j'ai préféré me concentrer (cette année en tout cas) sur l'aliment incontournable de cette fête : le cacao. A l'heure où les magasins se chargent par tonnes de "chocochonneries", histoire de répondre à la demande folle des jours à venir, voici ma version (purement subjective, donc) du chocolat de Pâques, en 2018. Déjà, la chose à ne pas faire : vous ruer sur les chocolats qui ciblent clairement les enfants (ceux que vous croisez dans toutes les grandes surfaces, notamment). Ils sont souvent jolis, oui, mais ils sont également (majoritairement) d'une qualité très médiocre (gras, très sucrés, peu chocolatés, etc...). Après, si vous vous en fichez de mettre des produits douteux dans la bouche de vos marmots, vous êtes libres, évidemment (que je ne vous entende pas râler après, par contre).


LA chocolaterie "Frenchy" à découvrir

La chocolaterie Française que je vous conseille vivement cette année est la suivante : Valrhona, de Tain l'Hermitage (dans la Drôme, juste au Nord de Valence). Mais attention, la gamme de cette chocolaterie est assez haute (les plaques de 70g sont à + de 3€, et avoisinent même les 4€ selon les gammes), je vous parle vraiment de haute-couture ici. Si vous aimez le chocolat fin et intense (qu'il s'agisse de blanc, de lacté ou de noir), cette maison est vraiment intéressante et dispose de belles créations. Je vous invite même à vous rendre directement sur le site de Valrhona (qui dispose d'une page permettant de chercher où sont distribués leurs produits près de chez vous) : Chocolat Valrhona : où en trouver?.


Vous remarquerez que cette chocolaterie propose (notamment sur son site) beaucoup d'articles à destination des professionnels. Le mieux, pour les particuliers, est par conséquent de se rendre en boutique, et de découvrir ce qui est proposé au grand public. La maison mère de Valrhona (à Tain, pour rappel) propose même de déguster de nombreuses créations sur place. Cela, en même temps que vous faites vos courses. Alors, si vous faites une escale par là-bas ; n'hésitez pas, et goinfrez-vous!


LE dessert de Pâques 2018

Pour votre santé, évitez de manger trop salé et trop sucré, mangez également 5 fruits et légumes par jour.
Non, le chocolat ne compte pas pour un, j'ai déjà demandé...

Maintenant que vous savez où obtenir un chocolat de grande qualité, il est temps de vous pencher sur le dessert de votre menu de Pâques. Ma suggestion : la tarte au chocolat. Moins connue que le fondant et la fondue au chocolat (je sais, c'est cruel de mettre ces deux mots dans la même phrase), la tarte au chocolat est un poil plus compliquée à réaliser (quoi que...). Mais ne vous en faites pas : je vais tout vous expliquer!

Note : cette recette provient du registre personnel de ma belle-mère, la pro de la famille niveau gâteaux. Vous remarquerez d'ailleurs que nous avons chacun nos spécialités dans ma famille (mon grand-père c'est le Pastis, ma mère la Vodka, ma femme le Rhum, mon oncle la cuisine, etc...). J'vous raconte pas les banquets qu'on s'tape!


Ingrédients nécessaires : pour 6 personnes

- 1 rouleau de pâte sablée (idéalement faite maison, il existe beaucoup de recettes correctes sur internet).
- 200g de chocolat noir pour dessert de Valrhona.
- 20 cl de crème fraîche liquide.
- 50g de beurre mou.
- 1 cuillère à soupe de pistaches vertes (non salées) décoratives.

Préparation :

- Préchauffez le four à 180.
- Garnissez votre moule à tarte avec la pâte sablée.
- Piquez la pâte à la fourchette, recouvrez-la ensuite de papier cuisson ainsi que de billes de lestage.
- Enfournez 10 minutes puis retirez le lestage, de même pour le papier.
- Remettez la pâte au four 10 minutes.
- Portez la crème liquide à ébullition.
- Hors du feu, faites fondre le chocolat (brisé pour plus de facilité) dans la crème, ajoutez le beurre.
- Laissez refroidir la pâte de votre tarte avant de verser par-dessus votre préparation au chocolat.
- Disposez la tarte au frais plusieurs heures (le chocolat va se solidifier tranquillement).
- Utilisez enfin les pistaches pour décorer votre œuvre.
- Évitez de tout manger avant d'avoir partagé quelques parts avec vos convives...
- Ou alors, si vous le faites, vous n'aurez qu'à dire que vous avez raté la recette et que vous avez tout jeté.
- Avant cela, vérifiez bien qu'aucune trace de chocolat n'est présente autour de votre bouche.


Vous voilà maintenant avec un super dessert, prêt à se faire dévorer par vos proches et vous-même. Mais attendez! Il vous reste une dernière chose à faire, avant de vous ruer sur cette merveille chocolatée : choisir la boisson qui l'accompagnera. Et c'est là que j'entre en scène. Enfin, au sens métaphorique bien sûr, à moins que vous ne m'invitiez également à votre table... Bref! Qu'est-ce qu'on peut bien servir en accord avec la tarte au chocolat?


1. L'accord incontournable : le Vin Doux Naturel Rouge

Le chocolat au goût prononcé de cacao (ceci n'est pas la citation d'une pub, je vous rassure) a besoin d'un vin qui "tienne la route", au moins en terme d'intensité aromatique. Les VDN sont des vins "non finis" (dont la fermentation n'est pas allée jusqu'au bout, de façon volontaire), mutés à l'alcool (souvent au marc de raisins), et ainsi stabilisés par la même (tout ceci demande un savoir-faire important évidemment). Dans ces vins (qui peuvent être travaillés en blancs comme en rouges d'ailleurs) il reste donc une certaine quantité de sucres non transformés, présents de façon naturelle dans les jus initiaux. D'où le terme ambigu de Vin Doux Naturel. Celui que je vous conseille est vraiment un incontournable : le Maury VDN Rouge "Vintage" 2014 de Mas Amiel (environ 20€ dans le commerce). Son côté confit (sur les notes de mûre et cassis notamment) lui donnent une grande gourmandise. Sa longueur est assurée par sa trame vineuse maîtrisée, légèrement tannique, qui colle tout à fait au chocolat. Un accord riche et plein de saveurs ici.

Autre référence notable : le Rivesaltes VDN Rouge "Grenat" de Pascal Rousselin (autour des 15€ sur salon gastronomique), un domaine plus confidentiel mais qui produit de bien belles choses également.




2. L'alternative venue d'ailleurs : l'ami Porto

Les vins de Porto sont des références internationales en terme de vins mutés. Leur procédé d'élaboration est d'ailleurs le même (à quelques détails près, bien sûr) que les VDN. Toutefois, le Porto se distingue avec de nombreuses mentions, qui ne parlent pas franchement à tous (initiés ou non d'ailleurs). Vous croiserez donc des "Ruby", des "Tawny", des "Late Bottled Vintage", des "Quinta" et bien d'autres... La cuvée dont nous allons parler aujourd'hui est la suivante : le Porto Rouge "Tawny 10 ans" de la maison Taylor's (environ 30€ la bouteille chez les cavistes). Un assemblage de vieux vins du domaine, délivrant des arômes subtils de pruneau et de cerise à l'eau-de-vie. La texture est plutôt douce, sans trop en faire. Un accord complémentaire très intéressant, qui saura ravir les amateurs de vins de tous bords.

Autre référence notable : le Pineau des Charentes Rouge de Michel Forgeron (environ 15€ sur salon gastronomique), vin rouge muté au Cognac, sur la fraîcheur et la framboise juteuse. Beaucoup plus jeune que le Tawny 10 ans, il s'agit d'une alternative "à la Française" non négligeable (et bien moins chère).



3. L'accord en finesse : la pépite des Alpilles 

La France regorge de terroirs exceptionnels, la gastronomie est présente partout dans ce pays. Nombreux sont ceux qui s'accordent à dire que la perfection d'un lieu est atteinte, lorsque les paysages sont à la hauteur des produits locaux. Dans les Alpilles, c'est notamment le cas. Un havre de paix prospère entre Arles et Cavaillon, incarné par le vignoble des Baux-de-Provence. Grimpez donc en haut des collines, et la vue de ce bout de France discret restera gravée à jamais dans votre esprit. La pépite des Alpilles, dont je souhaite vous parler à travers ces lignes, est le vin rouge (non sucré cette fois) de l'AOP Les Baux-de-Provence "Solstice" 2012, du Domaine de Lauzières (18€ au domaine). Cette cuvée associant Grenache, Syrah et Mourvèdre est d'une tendresse insoupçonnée. Le fruité est précis, la structure est fondue, voilà un parfait exemple d'un vin du Sud équilibré (entre fraîcheur et générosité), qui donne une leçon d'élégance à nombre de ses voisins. L'accord avec le chocolat est sur l'équilibre, à l'image du vin servit, et donne à chaque met sa place dans l'expression de ses saveurs. Quoi de mieux, je vous le demande?

Autre référence notable :  l'IGP Alpilles "Mourvèdre" du Domaine de Lauzières. Autre rouge de la propriété de Christophe Pillon, qui fait preuve d'un peu plus de caractère celui-ci. Mais toujours dans la recherche de l'équilibre. Les tanins se verront quelque peu renforcés par un chocolat très noir, à préférer donc sur un dessert plus allégé en cacao (comme notre tarte au chocolat, en l’occurrence).




4. Le grand final : Symphonie Dessert & Digestif

Après avoir fait le tour de grands vins remarquables, de France et d'ailleurs (on aurait pu aussi s'amuser à chercher des vins du monde entier, mais il faut parfois trancher), il est temps de regarder plus loin. Au-delà des vignobles, d'autres cultures ont, elles aussi, leur propre monde. C'est bien entendu le cas de l’Écosse et du Whisky. Une histoire d'orge, puis de bière, et de distillation. Dans le cadre de notre accord chocolat & boissons, je ne pouvais faire l'impasse sur les eaux-de-vie. En effet, de nombreux Rhums, Whiskies, Cognac, Armagnac, etc... Peuvent tout à fait s'allier aux produits issus du cacao. Le Whisky que j'ai donc choisi pour fêter Pâques cette année est : le Scotch Single Malt "18 ans" de Glengoyne (environ 120€ la bouteille, dans les commerces spécialisés), de la région d'Highland. L'âge avancé de ce Scotch Whisky (qui se traduit littéralement par "Whisky Écossais") en fait un nectar d'orge et de boisé parfaitement soyeux, rond et très facile à boire (non tourbé). Sa douceur et son volume en bouche contrebalancent certains amers du cacao, ramenant beaucoup d'équilibre dans cet accord d'explosion de saveurs torréfiées. Après ça, vous n'aurez plus qu'à faire une bonne sieste digestive!

Autre référence notable : le Blended Irish Whiskey Small Batch (Rum Casks) de Teeling (environ 40€ dans le commerce). Whiskey (Irlandais, donc) d'assemblage de plusieurs "Single Malt" (sur plusieurs âges également), il constituera un choix gourmand plus abordable que le Glengoyne 18 ans. Bien entendu sa texture est moindre, toutefois le plaisir instantané procuré par cette cuvée vieillie en fûts de Rhum est très appréciable.


Note : si vous souhaitez prendre connaissance de lieux précis (sur le 74) où trouver les cuvées citées précédemment, merci de me contacter directement par mail sur francgourmet74@gmail.com .

Alors? Faim de chocolat après tout ça? Comme je vous comprends! J'espère en tout cas que cet article vous aidera à sublimer vos repas de fêtes à venir. Quoi que vous choisissiez, je compte sur vous pour vous faire plaisir! C'est, après tout, l'essentiel dans ces instants conviviaux. Sur ce, à la prochaine les gourmets!

19/03/2018

Equinoxe de Mars : le glas de la tartiflette


Je ne me suis pas trompé de titre, non. Il s'agit bien du "glas" et non du "gras" de la tartiflette ici. Pourquoi? Eh bien! Parce que, ce Mardi 20/03/2018 (à 17h15, si je ne m'abuse), le moment sera venu de l'Equinoxe de Mars. Vous allez me dire : mais qu'est-ce que ça change? La réponse est simple : l'hiver s'en va, ça y est! L'équinoxe est le moment précis durant lequel le soleil se trouve au zénith, par rapport à l'équateur terrestre. Durant cette période, le jour et la nuit ont la même durée. Avec ça, vous avez de quoi briller en société, normalement.

L'hiver bat donc son plein, les fondues savoyardes (et toutes les autres spécialités "légères" du genre, dont la fameuse tartiflette) vont disparaître petit à petit de nos tables familiales. Au profit des légumes de Printemps, des festivités chocolatées de Pâques, des régimes préparatoires aux expositions dénudées estivales... Bref! C'est vraiment le tout dernier créneau pour la TARTIFLETTE ULTIME! En tant qu'Haut-Savoyard, il est de mon devoir de préparer le retour de la verdure en emmagasinant... Un maximum de "souvenirs" réconfortants d'hiver! Au niveau de l'estomac, de préférence! Voyons donc ce dont nous avons besoin, pour bien boire et bien manger (je ne parle évidemment pas d'équilibre et d'assainissement alimentaire ici), une dernière fois dans l'année, en mode "il me faut ma dose de gras".

Note : désolé pour le chauvinisme extrême dont je peux faire preuve, parfois. C'est le cœur qui s'exprime, voilà tout.

Alors, que faire pour assurer le coup concrètement? Il faut bien penser que la tartiflette ne fera pas son retour avant au moins 6 mois... Autant vous dire qu'on va bien la charger, celle-là! Tout d'abord, au cas où vous l'ignoriez, nous allons avoir besoin de pommes de terre. Oui, des patates, beaucoup de patates. Environ 2kg pour 4 personnes (je vous conseille la variété Française nommée la Charlotte, mais d'autres peuvent convenir bien entendu). Certains préconisent de couper les patates en rondelles, personnellement je vous dirais plutôt qu'on s'en fiche complètement. Morceaux, carrés, rondelles, on s'en fout! Tant que ça se mélange assez bien avec les autres ingrédients, et que votre cuisson est maîtrisée.

Les autres ingrédients, justement, sont les suivants (dans le désordre, pour le moment) : 2 Reblochons (fermiers, évidemment! Et pas d'arnaque avec je ne sais quelle autre contrefaçon, s'il vous plait!), 4 oignons (jaunes c'est mieux, mais peut se faire avec d'autres variétés aussi), 30cl de crème entière (j'ai jamais dit que j'allais vous aider à mincir, de toutes façons), 500g de lardons (des non fumés suffisent, mais c'est selon les goûts, sachant que les fumés sont inévitablement plus salés), et c'est tout! Pas besoin de vin, vous allez déjà en boire à côté. Vous ne pensiez pas vous en sortir comme ça, tout de même? Notez que cette version de la tartiflette est la mienne, je n'ai jamais lu de recettes sérieuses sur le sujet, car j'ai ça de le sang tout bonnement (made in 74, eh ouais!).

En gros, vous mettez vos pommes de terre cuites (à l'eau ou à la vapeur, selon ce que vous maîtrisez le mieux) et coupées (épluchées, évidemment) dans un grand plat, puis vous rajoutez lardons et oignons en surcouche. Par-dessus ce joli petit monde, vous placez vos Reblochons (vous pouvez aussi les couper, dans l'optique de mieux les répartir), et arrosez généreusement (toujours) de crème (oui, avec les yeux ronds et la bave sur les lèvres). Il faut qu'il y ait de la crème partout! Sinon, vous risquez d'être en manque de graisse à la mi-Juin, et ce sera le drame, vous imaginez bien... Pour finir, vous enfournez à 200°C pendant une bonne demie-heure.

Pendant que votre tartiflette ultime cuit tranquillement, allez sélectionner vos boissons idéales dans votre petite cave adorée. Voyons ensemble ce que vous pouvez servir avec ce plat léger et subtil.


1. L'accord traditionnel : la Jacquère Savoyarde

Les vins blancs de Jacquère ne jouissent pas d'une réputation extraordinaire, et pourtant de jolis crus sont à dénicher dans tout ce qui existe. Un exemple? La cuvée "Habanera", de Julie Portaz (Domaine de l’Épervière), en appellation Abymes (environ 10€ à l'achat dans les commerces spécialisés). Travaillée avec une maturité certaine, je vous préviens : cette Jacquère est fine, très fine. Sa trame, toute en subtilité, lui donne une élégance rare, saupoudrée d'une légère fraîcheur, parfaite à accorder sur le fromage fondu en l’occurrence. Cet accord est un jeu de contraste efficace : l'acidité maîtrisée du vin contrebalance le gras, l'opulence de la tartiflette.

Autre référence notable : l'Apremont "Anno Domini" du Domaine Blard (agriculture raisonnée), plus franc et structuré que l'Abymes de Julie Portaz.



2. L'alternative confidentielle : le Chasselas du Chablais

Cépage mieux connu en Suisse qu'en France, sous l'appellation du Fendant (du Valais) notamment, le Chasselas a une identité moins végétale que la Jacquère. D'ailleurs, il est implanté surtout sur les coteaux du Lac Léman (en France, on évite le nom de "Lac de Genève", n'en déplaise à certains...), soit dans la sous-région Haut-Savoyarde du Chablais (le secteur de Thonon et Evian, pour faire simple). La Jacquère, elle, trouve son terroir de prédilection plus au Sud, en Savoie. Bref, s'il vous faut goûter un seul Chasselas dans votre vie, ce sera l'IGP Allobroges "Un matin face au lac", de Dominique Lucas (Les Vignes du Paradis, domaine en biodynamie). L'équilibre de cette cuvée (environ 20€ à l'achat dans les commerces spécialisés) est difficilement comparable dans la région. Les notes délicates de fruits blancs (pomme, poire notamment) sont soutenues par une belle texture fluide et agréable. A nouveau un jeu de contraste, plutôt, qui apporte un peu de finesse à un met relativement rustique.

Autre référence notable : le Crépy "Cuvée des Fondateurs", de la Grande Cave de Crépy Mercier. Un vin plus acidulé, mais tout aussi intéressant dans la recherche de l'identité souvent timide du Chasselas.




3. L'accord polémique : la Mondeuse, alias la "Petite Syrah"

Le cépage Mondeuse est le roi des rouges de Savoie, incontestablement. Liée génétiquement à la Syrah Rhodanienne, la Mondeuse dispose de propriétés gustatives proches de sa cousine plus méridionale. Si, de préférence, mes conseils d'accords avec les plats lourds (tels que les fondues, raclettes et tartiflettes) s'orientent sur les vins blancs (par soucis d'harmonie globale), il est toutefois possible de choisir un rouge malgré cette indication. Mais pas n'importe lequel, attention! La Mondeuse est notamment travaillée différemment selon les localités, selon les domaines viticoles aussi, d'ailleurs. Alors, si cette découverte vous intéresse, le vin du Bugey "Mondeuse Cuvée Terroir", du Caveau Bugiste (groupement de vignerons indépendants), sera parfait. Il s'agit d'un rouge travaillé en légèreté (environ 9€ à l'achat dans les commerces spécialisés), donc peu de tanins et de vigueur, mais un fruit noir (cerise bien mûre pour moi) et un poivré tout à fait typiques du cépage. En optant pour un vin de ce style, soit assez souple finalement, on évite le rapport de force qui pourrait subvenir entre les sels du fromage et les tanins (de certains rouges plus puissants, par exemple), au profit d'un équilibre plus gouleyant et digeste.

Autre référence notable : pour ceux qui disposent d'un budget plus élevé (autour des 20€), la Mondeuse d'Arbin "La Rouge" de Louis Magnin (domaine en biodynamie) constitue un excellent choix. Un brin plus concentrée, cette Mondeuse demeure un grand classique d'élégance.




4. L'improbable et surprenant : le Cidre Normand

Ah! Voilà de quoi vous surprendre! Eh oui! Il n'y a pas que le vin de Savoie pour accompagner les plats locaux. D'ailleurs, j'aurais très bien pu parler des petits blancs de Bourgogne, ou de Loire même. Mais non, je vais encore plus loin chers gourmets, expressément pour vous. Testez donc le "Sidre Brut" d'Eric Bordelet (verger bio). Ce cidre Normand (environ 7€ à l'achat en grande surface) est travaillé en profondeur. Le croquant de la pomme est complété d'une persistance légèrement amère, tandis que la bulle fine apporte un léger piquant rafraîchissant. Bref, ce breuvage sec "lavera" la tartiflette de sa lourdeur, tout en apportant sa petite touche fruitée. Un accord très intéressant donc, bien qu'inattendu.

Autre référence notable : le Poiré "Authentique", d'Eric Bordelet. Version demi-sec d'un "cidre" de poire bien réalisé, plus accessible à la dégustation car légèrement plus doux. Les notes de poire sont certes plus discrètes que celles de la pomme, mais cela constitue un accord tout aussi valable.



Note : si vous souhaitez prendre connaissance de lieux précis (sur le 74) où trouver les cuvées citées précédemment, merci de me contacter directement par mail sur francgourmet74@gmail.com .

Et voilà les gourmets! Avec tout ça vous avez de quoi fêter dignement la fin de l'hiver. Et si vous avez vos habitudes chez un caviste commerçant, n'hésitez pas à lui demander s'il possède des références équivalentes à celles présentées ci-dessus. Le monde des accords mets et vins vous ouvre grand les bras, mais avant : dégustez sans attendre votre dernière tartiflette de la saison!

15/03/2018

Les petites phrases cocasses et caustiques Vol.1



Bienvenue dans le monde merveilleux du commerce. Un monde fait de sourires et d'argent, où il existe plusieurs types de clients. Le plus habituel, c'est le modéré, qui cherche plus ou moins un produit précis (ou en tout cas qui connaît souvent certaines choses), mais qui écoute tout de même les conseils qu'il reçoit pour faire son choix (et s'instruire un peu, par la même). S'engage alors presque systématiquement, avec ce genre de personne, une relation de respect mutuel. Le courant passe, tout va bien... Malheureusement, il existe également bien d'autres sortes de clients ; le forcené du petit prix, le fanatique du bio-bien-bon, le têtu, le curieux éternel, l'ignare qui croit savoir, et j'en passe!

Aujourd'hui, je prends ma revanche sur tous ceux là, en vous rapportant quelques interactions les plus cocasses et caustiques subies au cours de ma carrière. Quel méchant caviste je fais, me direz-vous. "Il ne faut pas se moquer, les gens sont comme ils sont, blablabla..." En fait, peu m'importe! Et justement, c'est l'occasion de poser, clairement, les explications aux interrogations les plus hasardeuses croisées jusqu'ici. Même si je sais très bien que cela ne suffira pas à les faire disparaître définitivement. Évidemment, la satire un brin acidulée que vous percevrez entre ces lignes pimente un peu les choses... Il faut bien que je me défoule aussi! Aller, rentrons maintenant dans le vif du sujet, bonne lecture à tous!

Note : si vous vous reconnaissez dans ces quelques citations, sachez que ce n'est pas si grave. Les cavistes et les sommeliers sont là pour vous répondre, quoi qu'il arrive! Et puis, ces mêmes lignes vous permettront, certainement, de mieux saisir le côté cocasse de ces situations, lorsque l'on se trouve de l'autre côté de la barrière du moins.


Cas n°1 :

Client(e) "Auriez-vous un bon vin rouge?

Franc-Gourmet - Arf... C'est vraiment dommage! Le dernier vient justement d'être vendu. Il ne nous reste plus que de la piquette!"

Question bête, réponse bête, ça peut arriver à tout le monde, ceci dit.


Cas n°2 :

Client(e) "Pourquoi certains vins sont-ils aussi chers?

Franc-Gourmet - Parce qu'il existe des gens pour les acheter."

Bon... En vrai, il y a de plus profondes explications à cela, et heureusement : le cahier des charges exigeant de certains crus, les modes de production choisis (le rendement, le travail effectué à la vigne, mais aussi celui fait dans les chais), la taille du domaine, la renommée de la maison, la rareté des vins produits, etc... Les raisons de la hausse des prix sont potentiellement nombreuses, vous l'aurez compris. La bonne question à poser serait donc plutôt : "Pourquoi CE vin, en particulier, est aussi cher?" Là, ce serait bien plus intéressant, et pertinent.


Cas n°3 :

Client(e) "Je n'aime pas les vins qui me font mal à la tête.

Franc-Gourmet - Ah bon? Moi j'adore! Je ne bois d'ailleurs exclusivement que ceux-là!"

Oui, je sais, c'est à ce moment là que vous me déballez le fameux coup (inévitable) des sulfites, véritable mal incarné du 21ème siècle (qui est employé pourtant depuis des lustres... Je ne dis pas que c'est bien, attention, juste que c'est... Un peu tard peut-être?). Ce qui est très cocasse, notamment, c'est que ces intrants (effectivement nocifs seulement à TRÈS forte dose), présents plus ou moins modérément dans le vin (pour lequel le soufre est un conservateur stabilisant, juste pour info), se retrouvent avant tout dans l'ensemble de l'alimentation industrielle que nous ingérons (eh oui! Moi aussi!) chaque jour. Sauces préparées, fruits et légumes secs, jus, pâtisseries, pâtes, céréales, etc... Il y en aura pour tout le monde, je ne vous rassure pas!

Alors, avant de penser que vous êtes intolérant(e) aux sulfites (allergie plutôt rare, qui plus est) à cause du vin, regardez un peu tout ce que vous consommez de bien plus mauvais à côté. Et surtout : foutez donc la paix aux petits producteurs de vins, qui n'ont déjà pas le droit de promouvoir leurs produits dans l'espace public (oui, la loi Française est "bien" faite...). La plupart travaillent correctement et consciencieusement, près de leurs terres, et ce n'est certainement pas un label bio européen (de plus, très laxiste) qui le détermine, ça (d'ailleurs, préférez vous fier aux labels et chartes privés, étonnamment souvent plus exigeants). Discutez avec les professionnels du sujet, informez-vous auprès des producteurs (sans vous affoler dès que vous ne voyez pas de feuille verte sur une étiquette), et tout se passera bien.

Pour ceux que le sujet intéresse davantage, je vous conseille vivement ce site (qui vous parlera essentiellement du vin, mais pas que, justement) : lessulfites.com. Fin de la grande parenthèse sur ce sujet, nous aurons certainement l'occasion d'y revenir prochainement.


Cas n°4 :

Client(e) "Est-ce que c'est grave si je bois un vin sucré avec ma fondue savoyarde?

Franc-Gourmet - Je dirais que si vous voulez tuer un diabétique, c'est effectivement un bon moyen d'y parvenir..."

Un cas typique de saison hivernale! Ma réponse va chercher un peu loin, je l'admets. Comprenez donc par là : faites n'importe quoi si vous voulez, tant que personne n'en meurt... Bien entendu, préférez tout de même un vin (blanc, idéalement) sec, qui apportera un côté rafraîchissant à ce style de plat lourd et rustique. Le vin sucré (blanc, rouge, bleu, vert, bref peu importe lequel) n'est clairement pas approprié dans cette recherche de l'équilibre entre un met et la boisson qui l'accompagne. Je pense que c'est clair! Et même combat pour la raclette ou la tartiflette, pour les petits malins qui feraient mine de ne pas avoir compris...


Cas n°5 :

Client(e) "Que pensez-vous du Champagne Dom Pérignon?

Franc-Gourmet - Ah! La limonade à 150€ ? Très bien, très bien..."

Dernière leçon du jour : une grande marque (d'autant plus en Champagne) n'est pas synonyme systématique d'un grand vin. Ce n'est ici, bien entendu, qu'un exemple parmi tant d'autres. Il s'agit d'une philosophie de vie, certes, mais aussi de la réalité de la dégustation. Regardez donc le nombre de dégustations professionnelles (à l'aveugle) qui classent des petits vins méconnus devant de grandes écuries dopées à coup de millions.

Alors? Vous êtes plutôt du genre "buveur d'étiquette" ou "fin limier" finalement? Ne vous en faites pas, quelle que soit votre réponse : vous n'êtes pas les seuls. Et n'oubliez pas : il y a du bon et du mauvais dans toutes les régions (et ce n'est, encore une fois, pas du tout une question de bio ou de pas bio, ce serait bien trop simple). Il faut trier, c'est comme tout. C'est d'ailleurs la raison de l'existence de mon métier.


Sur ce: mes franches salutations à vous les gourmets! A la prochaine!

11/03/2018

L'eau-de-vie : introduction (whisky, rhum & co)


La base de l'eau-de-vie réside en un seul savoir-faire fondamental : la distillation. Soit de l'eau et du sucre (dont au moins une partie fermentée), passés en alambic (matériel qui va servir à concentrer l'alcool par un procédé d'évaporation). Ce sont les deux aliments absolument nécessaires à l'obtention d'un alcool. Bien entendu, élaborer une boisson à partir de ces seuls produits serait produire ce que l'on appelle une "gnôle", neutre, quasiment insipide et relativement inintéressante. C'est pourquoi les fines bouches ont cherché à apporter du goût à ce breuvage enivrant, qui, isolé, ne sert pas à grand-chose avouons-le. Mis à part à maltraiter vos sens et votre foie, bien sûr...

Ainsi, nous connaissons aujourd'hui de nombreuses variétés d'eaux-de-vie (aussi appelées "digestifs", "spiritueux", ou encore "spirits", pour les grands admirateurs de la langue de Shakespeare...). Toutes diffèrent selon leur produit de base, soit celui qui apportera ses saveurs (dites variétales) à l'alcool final. Afin de simplifier cette explication théorique, j’inclurai, parmi les spiritueux, d'autres boissons alcoolisées : d'abord, les liqueurs, que l'on trouve pourtant parfois dissociées des eaux-de-vie (nous verrons pourquoi plus tard). Puis, les Apéritifs à Base d'Alcool (les Bitters, les Gentianes et les Anisés), qui tirent leurs origines dans les mêmes alambics que les eaux-de-vie, et qui profitent ainsi de fortes ressemblances avec certaines liqueurs (certains se diluent, au même titre que les crèmes, généralement, à la manière du Pastis, par exemple).

Les spiritueux sont ainsi classés en plusieurs familles basiques distinctes : les eaux-de-vie de fruits (Poire, Mirabelle, Framboise, etc...), les eaux-de-vie de grains/céréales (Whiskies, Vodkas, Gins, etc...), les eaux-de-vie de plantes (Rhums, Tequilas, etc...), les eaux-de-vie de vins (Cognac, Armagnac, etc...) et les eaux-de-vie de cidres (Calvados, etc...). Les liqueurs (comme la célèbre Chartreuse et bien d'autres) , quant à elles, rentrent difficilement dans ces cases définies, puisqu'elles relatent bien souvent de recettes complexes (mélangeant ces éléments de base cités), plus un ajout notable de sucre (ou de miel, comme ce fût le cas ancestralement). Même chose pour les fameuses crèmes, qui sont tout simplement le stade supérieur aux liqueurs en terme de sucrosité. Pour ce qui concerne les Apéritifs à Base d'Alcool, ils sont majoritairement issus de macérations, avec des produits qui leur apporte des goûts identitaires forts (l'écorce d'orange pour les Bitters, etc...). Une fois que vous avez compris cela, il ne vous reste plus qu'à aborder la partie technique de la distillation, qui peut paraître un peu mystique, mais qui est en fait davantage scientifique.

Venons-en aux détails de cette fameuse production de l'alcool.  Première chose à savoir : cette science provient de la culture Babylonienne antique. Initialement, l'alcool était employé à des fins médicales ou à l'élaboration des parfums (à défaut de se laver pour sentir bon, on se parfumait, anecdotique mais cocasse). Puis, dans la recherche de l'ivresse connue de l'époque, cette boisson s'est avérée fort efficace. Les Grecs ont, au cours de l'histoire, activement participé à l'amélioration du procédé de fabrication. Ce dernier vous est d'ailleurs présenté ci-dessous, par un petit schéma issu du site Physique et Chimie au Collège :


Vous l'aurez compris, il s'agit là d'un alambic dit à colonne. Il existe en fait une autre sorte de distillation, qui emploie un alambic à repasse. Ce procédé variant (également répandu) vous est expliqué par de jolis dessins du site Devenir Distillateur :


Pour résumer, quelque soit le système choisi, la distillation se résume à la séparation de l'eau des autres éléments présents dans un mélange. Note importante toutefois : si vous souhaitez obtenir un alcool intéressant, vous devez faire fermenter ce liquide au préalable, destiné à la distillation. Par exemple, les fruits ont besoin de macérer quelques temps, les céréales doivent être germées puis macérées, etc... Il faut toujours un degré d'alcool de base (issu de cette fermentation) afin d'obtenir un alcool plus puissant, plus pur, en sortie d'alambic.

Evidemment, le cœur du distillat sera le fondateur de tout spiritueux qui se respecte, afin d'apporter toute sa richesse aromatique. Puis, si les producteurs le souhaitent, ils peuvent procéder à un vieillissement de leur alcool. Au même titre que les vins (et même que la bière), différentes possibilités de vieillissement existent pour les eaux-de-vie. L'élevage en fût reste la marque des grands produits, tels que les Whiskies âgés et les Rhums vieux. Il existe des mentions spéciales à appliquer sur les flacons, selon les durées de vieillissement (en France, nous connaissons très bien, grâce au Cognac notamment, les slogans VS, VSOP, XO, etc...)

Ainsi s'ouvre à nouveau un panel de possibilités extraordinaire, en terme de recherche gustative. Les distillateurs doivent travailler en premier lieu leur matière première, évidemment, mais le jeu du vieillissement peut donner un tout autre visage à leur produit. Apportant, par conséquent, une ampleur, une originalité et une valorisation certaine au spiritueux final. En matière de puissance aromatique, persistance et complexité, les spiritueux sont au-dessus des autres boissons, même des vins. Il est d'ailleurs plus difficile de déguster un alcool, puisqu'il faut parvenir à passer outre sa force, avant de capter ses subtilités. C'est un exercice rude pour les débutants, cependant il est tout à fait formateur et forge efficacement les palais les moins chevronnés.

Je n'ai qu'un conseil à vous délivrer, dans l'optique d'une conclusion à cet article : goûtez un maximum de choses. Peut-être qu'au début ce sera compliqué, l'alcool vous brûlera un peu ou vous ne parviendrez pas à sentir ce qu'il se cache derrière. Avec le temps, votre palais se fera, comme on dit, et il sera moins sensible à cette puissance qui vous rebutait au départ. Il n'y a qu'en forgeant que l'on devient forgeron, c'est le même principe pour votre analyse sensorielle. De plus, lorsque vous apprécierez finalement les grands alcools de ce monde, vous pourrez également les partager avec vos amis, votre famille. Ils sublimeront vos souvenirs, tout comme peuvent le faire les vins. Finir un repas avec un excellent Cognac de vingt ans d'âge c'est rare, et cela suffit à rendre un instant mémorable.

La bière : introduction


La bière (aussi appelée "pain liquide" par certains) est un produit généralement très accessible (plus que le vin, globalement), voir même facile à faire (si on fait sous-traiter toute l'étape préliminaire du maltage). Ces dernières années, un engouement particulier s'est développé pour elle. Le nombre de brasseurs professionnels croît énormément, chaque département comporte ainsi ses propres micro-brasseries locales.Pour l'instant, la classification des bières par l'INAO (dont l'influence est, aujourd'hui, européenne) n'a pas lieu, puisque la notion de terroir y est très peu présente en réalité (les céréales peuvent provenir de n'importe où, idem concernant toute la liste d'ingrédients que l'on retrouve dans la bière). Pour ce produit, nos parlerons donc davantage de savoir-faire et de styles. A savoir que la bière possède, tout comme le vin, ses spécialistes plus ou moins scientifiques : les bièrologues. Ce terme est très courant en Belgique, mais les Français ne le connaissent encore que trop peu.

La dégustation de la bière se fait de façon très similaire à celle du vin. La principale différence réside dans l'analyse du nez, soit la perception des arômes, ceux-ci sont évidemment bien différents de ceux que l'on peut croiser en goûtant des vins. Connaître le procédé de fabrication de la bière nous permettra de comprendre ce breuvage si tendance, déceler son authenticité, sa différence. Intéressons-nous donc au produit de base : les céréales. La plus courante, dans le monde de la bière (et du whisky, au passage), est sans aucun doute l'orge.

De la famille du blé et de l'avoine, l'orge est la plus prédisposée au maltage, et considérée comme la première céréale domestiquée. De plus, cette variété est produite en France (ce qui permet à nos brasseurs de se fournir localement, si besoin), notamment dans les régions du Centre, du Pays de Loire, en Champagne ou encore en Bourgogne. Les autres céréales (maltées ou non, d'ailleurs) que l'on peut utiliser dans une recette de bière sont : le blé, le riz, le maïs, le mil, le froment, le seigle, l'avoine, l'épeautre ou encore le sarrasin, etc... Certains vont jusqu'à assembler les différents grains, afin d'obtenir des notes différentes, soit, par conséquent, résulter sur une complexité et une originalité aromatique fort probable.

Seulement voilà, les céréales à elles seules ne peuvent suffire à l'élaboration d'une bière. Le second élément, présent en grande majorité dans la composition finale (environ 90%, c'est dire), n'est autre que l'eau (plate, les bulles se font autrement, juste au cas où). Aujourd'hui, la majorité des bières se font à l'aide d'une eau à très faible teneur en sels minéraux (voir sans sels minéraux, c'est ce qu'on appelle les "Pils", dont le nom vient d'une ville Tchèque ; Pilsen). Une eau possédant un certain goût ou une teneur particulière amènera avec elle du caractère à la bière, c'est pourquoi il faut bien la connaître avant de l'utiliser, dans ce cadre là.

Nous avons maintenant les céréales et l'eau, sauf que ces deux là ne suffisent toujours pas pour faire une bière, ne serait-ce que buvable. Il convient de se tourner vers les levures désormais. Champignons microscopiques fragiles (étudiés en profondeur par ce bon vieux Pasteur), les levures se nourrissent des sucres (essentiellement apportés, ceux-ci, par les céréales, grâce à l'amidon révélé par le maltage, mais aussi littéralement ajoutés, pour la prise de mousse surtout, sous forme de cassonade par exemple), les transformant en alcool et en gaz carbonique. En bièrologie, on en retrouve deux catégories : celles à fermentation haute (qui travaillent entre 15 et 20°C), ou celles à fermentation basse (qui s'activent entre 8 et 10°C). Les levures vont nous donner les moyens d'obtenir l'alcool dont on a besoin (un fil structurel important de la bière), puis la mousse (sans qui le pain liquide serait bien fade et peu apprécié par bon nombre d'actuels amateurs).

Enfin, nous commençons à entrevoir la composition complète d'une bière. A vrai dire, les trois éléments listés jusque là pourraient suffire à étiqueter le produit issu de cette recette : bière. Néanmoins, il manquerait bien des saveurs à ce breuvage. De plus, dans ce cas de figure, les brasseurs ne pourraient pas vraiment se targuer d'être de vrais cuisiniers comme ils aiment le faire, des chercheurs de goûts uniques et reconnaissables. En fait, à tout ça, ils ajoutent (à divers moments du processus) des épices, parfois des fruits, et surtout du houblon. Ce dernier est issu d'une plante vivace haute (cultivée en Alsace, notamment, pour ce qui est de la production Française), riche en résines et en huiles.

Le houblon apporte de l'amertume et de l'aromatique. Les innombrables variétés existantes ont, chacune, une présence nuancée, apportant de la complexité aux recettes finalement réalisées. La tendance est au houblonnage, alors familiarisez-vous vite avec les abréviations IPA, APA, etc... Elles concernent des bières particulièrement houblonnées, leur nom est d'ailleurs un hommage aux anciennes méthodes de conservation Anglaises.

Les ingrédients sont tous là cette fois, il ne nous manque plus que le savoir-faire. Bien des personnes s'essaient au brassage aujourd'hui, mais seulement une poignée valent réellement le détour (vis-à-vis de tout ce qui existe déjà). Face à l'industrialisation de la production Belge, victime du système capitaliste (les petites entreprises se font absorber par les plus grosses), il faut protéger et promouvoir les méthodes artisanales, comme on sait le faire au niveau vinicole. Voici donc, ci-dessous, la trame du procédé technique de la fabrication de la bière (issue du plutôt bon site univers-biere.net) :

Le Maltage


1. Préparation des grains

On fait mûrir les grains dans des silos, où ils doivent être oxygénés au maximum. Les grains, en respirant, libèrent de l'eau et de la chaleur. Ces produits de combustion doivent être évacués, car ils pourraient entraver le vieillissement des grains. Ces derniers passent ensuite par divers tamis, où les impuretés sont évacuées.


2. Trempage

Cette étape consiste en une suite de trempages, d'environ douze heures chacun, entrecoupés de périodes d'aération. Le but, ici, est de fournir à la céréale toute l'eau et l'oxygène nécessaire à la germination. Cette étape dure de 40 à 60 heures, à une température variant de 12 à 14°C.


3. Germination

Les grains humides sont stockés environ dix jours, dans une immense pièce (le germoir), où ils sont constamment en mouvement, afin d'empêcher le pourrissement. La pièce doit avoir un taux d'humidité élevé, ainsi qu'une température entre 12 et 15°C. La germination fait sortir les radicelles des grains (soit les germes). Cette étape dure entre 4 et 8 jours. Le grain germé est alors nommé malt vert, il renferme jusqu'à 45 % d'humidité.


3. Touraillage

Les grains sont transférés dans la touraille, un immense four prévu pour cet usage. Cette étape permet de colorer et cuire les céréales. Le malt vert restera environ 30 heures dans la touraille, à une température de 45 °C. Ensuite, on chauffe intensément les grains pendant environ 5 heures, à diverses températures, selon les types de malts que l'on veut obtenir :

- Une bière blonde nécessite des grains légèrement torréfiés, on les chauffe à 85°C pour simplement les sécher.

- Une bière ambrée a besoin de grains caramélisés, on les chauffe à 110°C pour colorer les sucres.

- Une bière brune a besoin de grains torréfiés, noircis, on les grille à 220°C.

Après touraillage, les céréales ne contiennent plus que 1 à 3 % d'eau.


4. Dégermage

On élimine les grains non germés, puis on laisse vieillir le reste deux ou trois semaines avant de commencer à brasser. Pour 100 kg d'orge initial, on obtient environ 75 kg de malt. Cette différence est principalement due aux pertes d'eau et de matière.

Le Brassage


1. Concassage

Avant le brassage, le malt est broyé dans un concasseur à cylindres striés. Pendant ce concassage, le contenu du grain est écrasé et expulsé de son enveloppe. Ceci a pour but de le réduire et permettre une meilleure extraction des enzymes et des sucres. La difficulté de cette étape est de trouver un bon compromis de réglage dans la finesse de la mouture. Il ne faut pas qu'elle soit trop épaisse, car l'extraction du sucre serait alors mauvaise. Mais il ne faut pas qu'elle soit trop fine non plus, les farines qui en résulteraient risqueraient en effet de poser problème lors de la filtration.


2. Empâtage

L'empâtage est la première véritable étape du brassage, qui consiste à tremper et remuer (brasser) le malt concassé dans de l'eau chaude, afin de procéder à l'extraction de l'amidon contenu dans le malt. Le mélange malt concassé et eau s'appelle la maische. L'opération se nomme « empâtage », en raison de l'aspect pâteux du mélange eau-malt. On ajoute aussi souvent des grains crus ou des flocons (orge, blé, maïs), pour stabiliser le moût et apporter des saveurs supplémentaires. L'empâtage s'effectue dans la cuve matière, où la maische est alors chauffée à différents paliers de température :

- Un premier palier d'environ 15 minutes vers 50°C, afin que les protéines complexes non solubles du malt se transforment en acides aminés.

- Un second palier s'effectue aux alentours de 62°C, il permet la gélatinisation de l'amidon et sa transformation en sucres fermentescibles (dextrose et maltose), utiles pour la fermentation, par l'action enzymatique de la beta amylase. Cette étape dure entre 30 et 45 minutes.

- Ensuite, la chaleur monte entre 68°C et 75°C. A ces températures, l'alpha amylase intervient et permet, cette fois, la formation de sucres non fermentescibles (dextrines), qui donneront du corps et de la rondeur à la bière. Cette étape dure entre 30 et 60 minutes.

- Enfin, intervient le palier d'inhibition des enzymes, qui consiste à élever la température à 78°C, en fin d'empâtage, pendant 10 minutes. Cette température permet de détruire les enzymes, et donc de conserver ainsi l'équilibre du brassin (plus de transformation enzymatique ultérieure), mais aussi de solubiliser les sucres. Ceci améliorera le rendement du brassage, en facilitant le rinçage des drêches.


3. Filtration

A la fin de l'empâtage, le brasseur filtre la partie liquide, appelée moût, en la passant à travers les matières solides. C'est-à-dire les résidus de malt épuisé (enveloppe des grains, particules insolubles), qui se nomment les drêches. Cette opération a souvent lieu dans la cuve matière, munie d'un fond filtrant. Les drêches, tassées sur le fond perforé, forment en plus un filtre naturel qui ne laisse passer que le moût limpide. Ces drêches sont ensuite rincées avec de l'eau chaude (à 76°C), extrayant alors un maximum de sucres potentiellement encore présents. Puis les drêches sont séchées avant d'être utilisées comme nourriture pour le bétail, par exemple. Elles contiennent des protéines, des fibres, du sucre et un peu d'amidon. Après la filtration, le moût est pompé en direction de la chaudière à moût pour la cuisson.


4. Cuisson du moût

Le moût est porté à ébullition dans une chaudière à moût, entre 1 et 2 heures selon les profils de bières. La cuisson permet de stabiliser et de stériliser le moût, c'est aussi souvent à cette étape que le houblon est ajouté au moût. Son rôle est important, il fournit, par l'intermédiaire de ses résines, deux acides qui conservent et donnent l'amertume à la bière. On l'incorpore généralement une première fois en début de cuisson, on en ajoute soit de temps en temps ou, également, à la fin, pour garder un peu de ses huiles essentielles. Les résines amères du houblon sont difficiles à extraire, c'est pourquoi une longue cuisson est nécessaire pour les solubiliser. Cette cuisson permet aussi de coaguler les protéines du malt, et donc de favoriser la limpidité, tout en stérilisant le moût.

On peut aussi ajouter d'autres produits aromatiques (épices, ingrédients divers), en fonction du type de bière. Chaque brasseur a sa recette secrète, ce qui fait l'unicité de sa bière. Les épices les plus populaires sont la coriandre, le gingembre, l'anis, la réglisse et la cannelle. Dans certains cas, on trouve aussi des ingrédients plus atypiques, comme la châtaigne, la noix, le cacao, le chanvre, des fleurs, des herbes, etc...


5. Refroidissement

Après ébullition, le moût encore trouble contient des résidus qui décantent au fond de la cuve. Ce même moût va donc être pompé par le haut de la cuve. Il passe ensuite dans un circuit de refroidissement, composé d'un échangeur thermique à plaques, ce qui permettra la température idéale pour la fermentation. Le moût refroidi est maintenant sensible à toute contamination bactérienne, c'est pourquoi l'hygiène est de rigueur.


6. Fermentation

Le moût est transféré en cuve de fermentation, puis il est ensemencé avec une levure à bière. Il existe deux méthodes de fermentation :

- La fermentation haute, qui se déroule aux environs de 22°C. C'est la méthode de fermentation la plus ancienne et la plus courante. Les bières de fermentation haute sont appelées "ales".

- La fermentation basse, qui se déroule à une température d'environ 12°C. C'est un procédé plus récent, il a été inventé en 1842, à l'origine pour le type pils (bière blonde). Les bières de fermentation basse sont appelées "lager".

Quelques heures après l'ensemencement, la levure s'est déjà bien multipliée. Il se forme alors une mousse, chargée de levures et de résines de houblon, en surface (appelée le kräusen). La présence de cette mousse est une preuve du lancement de la fermentation. Pendant ce temps, la levure continue son activité et commence à transformer les sucres fermentescibles en alcool, et en gaz carbonique. Un dégagement gazeux intense va se produire. La fermentation primaire va durer entre 4 et 8 jours, puis la bière (dite "bière verte", à ce stade) sera transférée en cuve de garde, dans l'optique subir une autre fermentation, pendant quelques semaines à température plus faible. Ceci permettra à la bière de s'affiner, laisse le temps aux levures de finir leur travail, et aux particules solides de décanter en fond de cuve, ce qui clarifiera naturellement la bière.

Après la période de garde, la bière est brillante et limpide. Dans beaucoup de cas, elle est en également centrifugée afin d'extraire les derniers résidus solides et les levures. Enfin, la bière est envoyée vers la chaîne de soutirage.

7. Embouteillage

Après la fermentation, la bière est désormais bonne à être soutirée, c'est-à-dire être mise en bouteille, en canette ou en fût. Le conditionnement en bouteille est le plus courant. L'embouteillage est souvent réalisé sur une chaîne automatisée. On nettoie les bouteilles vides, en les faisant tremper dans plusieurs bassins et en injectant, sous pression, une quantité d'eau mélangée à des produits stérilisants. Une fois propres, elles sont remplies de bière et capsulées immédiatement.

- Pour les bières refermentées en bouteilles (prise de mousse par méthode traditionnelle), on ajoute une petite quantité de sucres et de levures. Les bouteilles sont capsulées et mises en chambre tempérée, afin de favoriser cette prise de mousse.

- Pour les bières classiques, du CO2 est injecté dans la bouteille lors du conditionnement, en plus de la bière plate. La bouteille est de suite capsulée.

Les bouteilles vont être habillées d'étiquettes, de contre-étiquettes et de collerettes. Les différents conditionnements vont être finalement emballés pour la distribution. Les brasseries préparent aussi souvent la bière en canettes et en fûts, répondant ainsi aux demandes des divers débits de boissons.

Dans les pays où le système de consigne est de rigueur, les brasseries peuvent réutiliser environ quinze à vingt fois les bouteilles de bière. Ensuite, ils les font refondre pour en refaire des nouvelles, recyclées. Les bouteilles de bière sont souvent brunes ou fumées, car cette couleur absorbe la plupart des longueurs d'onde de la lumière, qui pourraient oxyder la bière et dégrader le houblon. Problème qu'il n'est pas rare de rencontrer, quand les conditions de stockage en magasin ne sont pas bonnes (stocks au soleil, sous les néons des rayonnages, etc...).

C'est ainsi que notre longue introduction au pain liquide touche à sa fin. Que vous soyez amateurs ou non de ce produit fort intéressant, il est important de le connaître. Et ceci parce que sa place se fait franchement croissante, de jour en jour, au sein du patrimoine gastronomique de l'humanité. Auparavant, la bière était déjà (ancestralement) partout, elle s'était même un peu perdue au milieu des produits perçus comme "bas de gamme" de notre société. Aujourd'hui, les consommateurs la remarque étrangement, et deviennent de plus en plus attentifs à ce qu'ils achètent (de façon plus générale, pour le coup). Leur exigence grandit, en même temps que la bière se perfectionne. Une avancée simultanée, qui a visiblement trouvé son tempo dans le paysage de la gastronomie. Alors, décapsulez les bières avec autant de soin que vous ouvrez vos vins, car bon nombre de belles surprises vous attendent au fond de ces bouteilles.

Le vin : introduction (blanc, rouge, rosé)



La vigne qui sert à produire le raisin destiné à la vinification est une liane, connue également sous le nom de Vitis Vinifera (la science, toujours prête à simplifier les mots). En général, les racines d'une vigne (plantée et épanouie, bien sûr) s'enfoncent dans les cinquante premiers centimètres du sol. Cet arbuste fruitier va donc se nourrir de nombreux éléments que l'on retrouve sous terre, dont les fameux nutriments, indispensables au développement de tout organisme vivant (même pour nous, les humains). Le sous-sol du terroir a également un rôle extrêmement important, puisqu'on y trouve la roche mère non altérée (le coeur du terroir, en somme).

La géologie influe énormément sur le produit final, c'est ce qui va également permettre (très souvent) de choisir le cépage et le porte-greffe adapté à notre sol (donc orienter notre conduite agricole, évidemment). Je vous épargne néanmoins les détails et les concordances d'usage que l'on peut croiser chez nos amis viticulteurs, nous en explorerons certains au cours de nos péripéties de toutes manières. Toutefois, si cela vous intéresse plus en profondeur, n'hésitez pas à visiter quelques sites sur le sujet, voir même à obtenir des encyclopédies dédiées. Cette facette du vin est très passionnante ainsi qu'utile qui plus est, si vous avez un tant soit peu la main verte (petit conseil cependant : attention à ne pas vous perdre dans trop de technique, surtout si vous êtes au stade de l'initiation dans ce vaste univers).

Voyons maintenant quelles sont les bonnes conditions à réunir pour la viticulture. Globalement, il y a des points incontournables, bien que chaque région viticole possède sa propre façon de travailler (voir même chaque vigneron, si on y regarde de plus près). La vigne s'exprime idéalement sur des coteaux (pourquoi? Essentiellement pour le drainage de l'eau, qui s'écoule, au lieu de stagner, en coteaux), plus ou moins pentus, escarpés, en altitude plutôt basse (pas ou peu de vigne présente en haute montagne, pas impossible mais plus rude et risqué). Le climat qui lui convient est un climat tempéré. Afin de l'alimenter naturellement en eau, mais aussi de lui faire bénéficier d'une chaleur suffisamment présente (la lumière naturelle du soleil est également vitale, comme pour toute plante), nécessaire à la bonne maturité des raisins.

Sans soleil pas de sucre, sans sucre pas d'alcool, sans alcool pas de vin (vous en pensez ce que vous voulez, c'est la loi). Si ces règles là sont des bases sûres, certains vins se font évidemment un malin plaisir de chambouler tout ça. Ce qui ne leur empêche pas d'offrir, tout de même, des résultats intéressants. Le meilleur exemple (connu par beaucoup) est celui du Sauternes (Bordelais), où des micro-climats (apportés, notamment, par des cours d'eau) exercent une influence exceptionnelle sur les vignes (brume enveloppante qui cache un ensoleillement doux, donc transformation des raisins, qui deviennent alors ce qu'on appelle des "grains nobles", sous l'action d'une pourriture qui est séchée en même temps qu'elle est générée, pour faire simple). Des phénomènes similaires se retrouvent dans diverses appellations (les Alsaciens, encore un autre exemple, nomment ces vins, dont le nom est protégé ; "Sélection de Grains Nobles"), où ce système naturel est employé dans la fabrication de vins liquoreux.

Rien qu'en deux paragraphes, on peut facilement conclure que la nature est la première clef de l'immense coffre à trésor du monde viti-vinicole. Considérez donc que ce même coffre possède deux serrures assez complexes. La seconde étant l'Homme, logiquement, et son action dans les vignes, mais aussi dans les chais. Bien que les tracas de la nature ne puissent, aujourd'hui, pas tous être contrés par le vigneron, il en existe un certain panel qui peut être réajusté. Pour bien faire, déjà, le viticulteur doit s'atteler à la vigne : planter, tailler, effeuiller, traiter. Bref, jusqu'aux vendanges, l'Homme doit veiller à ce que ses cultures se portent bien, ou en tout cas pour le mieux. Il doit, par conséquent, maîtriser parfaitement le cycle végétatif de la vigne. En voici un schéma ci-dessous (très bien réalisé, vous le remarquerez, par le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne).


Le viticulteur doit se fier à ces indications sur le cycle de la nature afin d'entretenir ses cultures correctement. Bien entendu, il doit être capable de faire face à bon nombres de problèmes imprévus tout au long de l'année : intempéries (tempêtes, casse, grêle, humidité stagnante, gel, sécheresse aride, etc...), ravageurs (rongeurs, papillons, parasites, vers, etc...) et maladies diverses (et encore, j'en oublie volontairement, on pourrait y passer des heures). Les plus consciencieux travailleront de sorte à concorder avec le calendrier lunaire. Eh oui! Ce n'est pas un mythe et cela fonctionne pour tout ce que vous cultivez, tout comme il y a des saisons favorables selon tel ou tel type de culture. Les astres agissent sur tout le monde, c'est un fait. Comprendre cela c'est prendre conscience que la nature a un ordre donné, qu'il est bon d'essayer de préserver au maximum si l'on souhaite conserver un avenir sur cette planète. Et encore, je n'en suis même pas arrivé à vous parler de l'agriculture biologique! On y vient, justement, rapidement.

Puisqu'il y a des problèmes dans la vigne, les vignerons et les scientifiques ont mis au point des traitements de choc. Certains sont très efficaces, mais ne respectent pas franchement la nature. Et, si vous avez correctement suivi jusqu'ici, vous savez que la première clef du vin est cette même nature. Donc, si vous bousillez cette clef, la serrure du coffre restera à jamais scellée. C'est exactement à ce niveau que les grands domaines (dans le sens compétents, rien à voir avec la taille, simple précision) font généralement la différence. Un bon vigneron va être très attentionné dans son oeuvre et va chercher l'expression de son terroir, avant d'appliquer sa propre patte, comme on dit. C'est à dire orienter le goût final vers ce qu'il apprécie, ou trouve intéressant.

Fin de la parenthèse "bio bien bon" (ce que je ne défends qu'à moitié, à titre personnel), qui est un sujet trop vaste pour être vraiment développé ici (ce qui sera fait une autre fois, soyez en sûrs). Passons donc à cette fameuse partie, étroitement liée à l'oenologie : la vinification. Là encore, je vous délivre un schéma explicatif sur le sujet (simplifié, pour le bonheur de tous), celui-ci provient du domaine Grand Jouan, en Pays Nantais (que je ne connais absolument pas, pour le coup).


Il est à présent de mon devoir de vous expliquer les termes importants notés sur ce schéma. En voici mes propres définitions :

- Foulage et Eraflage : fouler les baies permet notamment d'enlever les pépins en faisant éclater les raisins (on laisse le jus éventuel s'écouler en cuve), tandis qu'érafler consiste à séparer les baies de la rafle (parties boisées, tiges, etc... Ce qui n'est pas systématique, loin de là, surtout dans l'élaboration du rouge).

- Pressurage : ais-je vraiment besoin d'expliquer ça? Ok, vite fait alors! Les grappes sont dans le pressoir, qui peut être conçu de différentes manières (pneumatique "moderne", bois "à l'ancienne", etc...), puis on les écrase progressivement afin d'extraire le jus (il y a souvent plusieurs pressées, celle donnant le jus le plus fin et aromatique est la première, on parle alors de "jus de goutte").

- Débourbage : dans cette étape (qui se fait aussi sur les rouges, d'ailleurs, contrairement à ce que laisse penser le schéma présenté plus tôt), le vinificateur va laisser décanter les jus (aussi appelé "moût" à ce stade) dans une cuve, dans l'optique de laisser les dépôts solides indésirables (terre, feuille, bois, insectes, etc...) au fond, puis d'extraire le jus "sain" par gravité.

- Encuvage : transférer le moût de raisin dans une cuve, en vue de la fermentation alcoolique en l'occurrence. D'où l'expression : "après avoir bien bu, je m'en vais cuver ailleurs".

- Macération : peut s'effectuer avant, pendant (c'est le cas des rouges, souvent), ou après fermentation. La macération sert à laisser le jus échanger avec les matières solides (peau, pulpe, et autres), soit extraire des éléments qui pourraient s'avérer intéressants vis-à-vis du produit final (coloration, arômes naturels, tanins, etc...). Cette partie est importante dans le cadre de la vinification en rosé, puisque sa courte durée (ou son absence, l'échange durant le pressurage étant alors suffisant à la fabrication d'un rosé léger) permet de définir quel type de rosé on aura en bouteille (foncé ou clair, corsé ou léger, pour raccourcir). La durée de la macération peut donc varier, j'ai relevé, toutefois, que la douzaine de jours (concernant le rouge, du côté des blancs cette étape est moins répandue, actuellement) revenait souvent chez les producteurs visités.

- Fermentation Alcoolique : si vous sautez ce passage, ce que vous aurez produit s'appelle du bourru. Du moût non fermenté en somme, qui risque de lancer sa fermentation tout seul (grâce à l'action des levures indigènes et du sucre présent), en bouteille (donc, qui ne se garde pas longtemps, même au frais). Si vous voulez faire du vin, il va falloir passer tout ça en cuve de fermentation (thermo-régulée, afin de favoriser l'entrée en matière des levures, qui agissent selon la température, et de contrôler la chaleur, qui pourrait abîmer le jus et son arôme notamment). Il arrive que l'on ai besoin d'adjonction de levures exogènes (ce qui n'a rien de honteux, pour le coup, cela dépend parfois d'autres facteurs que des choix du chef de culture), ou de sucre (ce dernier point se nomme la "chaptalisation"). Après analyse en laboratoire, le vigneron-oenologue-maître de chais peut vite être fixé sur la marche à suivre. Une fois que les levures baignent dans le jus sucré (et que la température du bain leur plait), elles vont commencer à transformer le sucre en alcool, la présence d'oxygène est également nécessaire. Pendant ce temps là, si on est en train de fabriquer un vin rouge, le vinificateur va favoriser la macération en effectuant le pigeage (vous savez, ce qu'on faisait avec les pieds en l'an de grâce 1123, hein Jacquouille?) et le remontage (on arrose le chapeau solide formé à la surface de la cuve avec le jus, que l'on soutire pas le bas, ce qui permet de favoriser l'oxygénation du vin en devenir).

- Fermentation Malolactique : dans le vin, l'acidité est un des piliers structurels (tout les vins sont acides, de par leur PH, oui, c'est dit). Sauf qu'au goût, des acides trop puissants ne sont pas agréables, et finissent plus souvent dans l'évier plutôt que dans notre gosier. Ainsi, la fermentation malolactique permet d'atténuer l'acidité du vin, grâce à des bactéries particulières. Ces dernières (après ensemencement, généralement) vont donc s'attaquer aux acides maliques (rugueux), pour en faire des acides lactiques (souples). C'est une phase obligatoire en vinification rouge, facultative pour bien des blancs et rosés. Durant la FML (comme l'appellent les pros), on peut observer des lies de levure se déposer en fond de cuve (qui peut être, d'ailleurs, un tonneau en chêne, par exemple). Ces lies sont fréquemment remuées (selon l'envie du maître de chais, il s'agit du bâtonnage), afin d'échanger un peu de matière avec le vin, d'où la fameuse mention "élevé sur lies" que l'on peut croiser sur les étiquettes de certains Muscadets.

- Filtration : on approche de la fin du processus, le vin est là, mais il est encore trouble. Ceci est toléré par les consommateurs pour le vin rouge, ils n'ont néanmoins pas encore tout compris concernant le blanc et le rosé. Donc, on filtre les vins, littéralement, histoire d'avoir un produit limpide, agréable à l'oeil. Les filtrations fines enlèvent beaucoup de matière, et peuvent même altérer la qualité gustative d'un vin, son expression. Tandis que les filtrations plus grossières vont se contenter de retenir le plus gros, justement, et donc laisser de la matière vivante en bouteille. Comprenez par là qu'un vin de garde sera souvent moins filtré (voir pas du tout) qu'un vin dont la consommation est supposée rapide. Le visuel c'est bien, le goût c'est mieux!

- Elevage et Conditionnement : on peut élever un vin (avant ou après filtration d'ailleurs) "x" temps, une fois qu'on est sûr qu'il s'agisse bien d'une des dernières étapes de notre "vinification". L'élevage en cuve inox permet de concentrer les arômes variétaux (soit l'identité du cépage, son fruité généralement), le passage en tonneau de bois apporte les saveurs boisées et des tanins (selon la jeunesse du dit tonneau). Il existe évidemment d'autres moyens d'élever des vins, ceux-ci sont les plus récurrents et maîtrisés à l'ordre du jour (non, je ne parlerai pas des amphores aujourd'hui!). Certains cahiers des charges (déterminés officiellement par l'INAO, pour rappel) précisent les durées et méthodes à suivre (contenance particulière, etc...), s'il y en a, selon l'appellation. Idem pour le conditionnement, même si les réglementations sont moins courantes, pour le coup (bouteilles en verre, bag in box en plastique, etc...).

Et c'est ainsi que s'achève le premier article de Franc-Gourmet sur le thème du vin. En complément de tout ce que vous trouverez ici sur le sujet, je vous conseille de vous procurer des livres sur le même thème, tels que "L'Atlas des vins de France", de Laure Gasparotto (s'il ne vous en faut qu'un, c'est celui-là). Ce bouquin m'a particulièrement servi et me servira encore. Ses cartes de vignobles sont en fait les meilleures que j'ai pu croiser jusque là (elles sont globales et relativement faciles à lire). De nombreuses autres informations sont répertoriées au fil des pages de cet ouvrage, bien entendu, et les parcourir vous permettra de vous familiariser très fortement avec l'univers fantastique, ô combien vaste et passionnant, du vin!

Sur ce, à la prochaine chers gourmets.